Une chambre lui était réservée à l’hôtel du Belvédère. Il devait se coucher tôt, car son service recommençait à quatre heures. En prenant son repas, il observa par la baie vitrée du restaurant, un peu au-delà du parking, une route qui montait dans les bois et qu’il n’avait encore jamais remarquée. Une barrière en condamnait le passage. En interrogeant la serveuse, Mathias apprit que la route menait à l’ancien monastère de Saint-Cannardy et que le site restait désaffecté depuis longtemps.

Germano Zullo

L’écrivarium

    Avec Paysage intérieur, Albertine poursuit sa réflexion sur la solitude et l’un de ses plus intrigants corollaires: la contemplation.

    Intérieur où celui qui observe se tient suspendu hors du temps dans un intime d’apparence aussi vaste que sont les possibles. On les croirait en vacances, ces personnages plongés dans la sérénité et confortablement installés. Mais au-delà du farniente et de l’ennui, c’est bien la contemplation que l’on finit par gagner.

    Quant à l’extérieur, cet objet du contemplateur; paysage infini, sauvage, mystérieux et à la sidérante beauté, peut-on véritablement le maintenir à distance? N’est-il pas le reflet de l’intérieur et le fruit de la conscience? Il s’impose mieux qu’il ne se donne et incarne la finitude des êtres.

    Dans l’instant même où l’image est saisie, le dehors et le dedans se condensent l’un l’autre et tendent à l’introspection. Apparaît ainsi un territoire propice à la transcendance.

   L’Italie est un archipel. En tout et pour tout quatre îlots perdus dans une immensité terrestre, chaotique et bien plus mystérieuse que les profondeurs de l’espace. Quatre villages: Gioia Sannitica, Alvignanello, San Domenico et Amorosi. Et bien que ces agglomérations semblent posséder un certain nombre de logis, de commerces, de cafés, de bâtiments publics, d’églises et de monuments historiques, je ne perçois véritablement que huit maisons.

    Ma Santa Caterina à moi, c’est celle qui est entre Sperlonga et Gaeta, sur la mer Tyrrhénienne, provincia di Latina. Et l’indicatif téléphonique, c’est le 0771. Et garçon là-bas, ça se dit guaglioon. Et fille, ça se dit guagliiona. Et toute petite fille qui a peur du croquemitaine, ça se dit piccereel. Et je ne sais pas pourquoi, mais je suis déjà certain que ma Santa Caterina à moi, c’est aussi la tienne. Il n’y en a pas trente-six des comme ça; des Santa Caterina dont on ne sait pas si elles sont vraiment réelles et qui à chaque fois que l’on y songe, nous donnent le sentiment de ne pas exister.

    Des insectes par milliers me réveillent.

   Trois extra-terrestres approchent de la surface

de la mer à bord de leur soucoupe volante.

 1. Dans lequel Elmer, Hantz et Grant prennent congé de leurs amis

     Depuis quand y a-t-il nécessité d’un nouveau monde ?

    Que sont devenues toutes les espérances des révolutions passées ?

     N’existerait-il pas un ennemi propre à toute l’humanité ?

    Qui est l’adversaire ? Ton prochain, l’idéologie qui le hante ou l’idéologie qui te hante ?

    Est-ce que ce sont les hommes qui tiennent les concepts ou les concepts qui tiennent les hommes ?

    Ton utopie est-elle plus importante que le visage de ton prochain ?

    Es-tu en mesure de remettre en question aujourd’hui tes certitudes d’hier ?

   Es-tu en mesure de comprendre ce que tu n’aimes pas entendre ?

  Qu’est-ce qui distingue la multiplication des luttes à l’échelle générationnelle de la transmission progressive à l’échelle de l’espèce ?

   Saurais-tu aller du point A au point B, en considérant pleinement toutes les possibilités qui mènent du point A au point B ?

     Est-il plus utile d’asséner ou de penser ?

Encore pris de peur, c’est vers la clarté du jour qu’il se dirigea d’abord.

Le regard de Mathias se fixa tout au fond du grenier où un peu de la clarté du jour transparaissait des ténèbres. Au bout d’un certain temps, il découvrit un interrupteur et l’actionna. Une ampoule qui pendait du plafond s’alluma.

 Elle ne ressentait ni jalousie ni amertume, c’était plutôt comme si elle avait jusqu’alors vécu dans une grande ville surpeuplée et qu’elle se retrouvait soudain, après avoir dû franchir les portes de la cité, au cœur d’une campagne qui s’étendait à perte de vue et où n’apparaissait pas la moindre habitation.

   Travailler l’obscurité. Comme une autre manière de cheminer vers la clarté. Car il n’y a pas d’ombre sans lumière.

  Le Soleil restait maintenant suspendu au-dessus de l’horizon. Il grossissait et rappelait à lui ses enfants. Honburg ne voulait pas obéir. Pas tout de suite. Honburg voulait marcher, marcher et encore marcher.

      Ici, tout est poussière.

       Un jour qu’il ventait fort, Madeleine se tint debout sur un muret, écarta les bras, se concentra pour ressentir la fabuleuse énergie et attendit que le vent l’emporte.

       Elle attendit longtemps et en vain.

  


 Troisième planche





       Roberto continue son travail décriture.


Le clavier de lordinateur :

       Clic, clic, clic…

       Ce jaune-là, Honburg ne l’avait jamais vu dans le ciel. Le ciel allait du noir au blanc, sans ordonnance particulière, en passant par les rouges et les jaunes, ou par les verts et les bleus et quand le ciel passait par les jaunes ou les verts, ce n’étaient que des lueurs localisées, souvent éphémères, comme des éclairs. Ce jaune-là était insistant et recouvrait toute la voûte céleste d’une égale clarté ; il asphyxiait les ombres et traversait la matière de part en part.

          La partie droite de la planche est un plan moyen du grand sportif.

         Je consacre énormément de temps à la lecture. Je lis toutes sortes de choses et le plus souvent plusieurs textes en même temps. Il est possible que la phrase en question puisse apparaître au cours de ces lectures. Et si elle n’apparaît pas, il faut la chercher ailleurs, partout et nulle part.

   La vieille dame est assise sur une balançoire.


     Où êtes-vous donc ? Il fait si froid ici.

    « Non ! hurla alors la fleur, qui voyait de trop près sa fin arriver. Je t’en supplie, ne me mange pas ! Je ne suis encore qu’un bouton, si menu et trop vert… Regarde tout près de moi, nombre de mes congénères sont d’aspect bien plus appétissant et tu ne te fatigueras pas à sautiller jusqu’à celle-là. »


© Germano Zullo